Mail 6

Bôm dia a tudo mundo,

Le Cap Vert de Cesaria Evora est un  » Petit pays » que « j’aime beaucoup »… mais n’allons pas trop vite, je vous ai laissé aux Canaries, il faut que je viennes vous chercher et que je vous amène jusqu’ici… patience…

Mercredi 5 Novembre

Il nous faut refaire l’avitaillement, pas sûr que nous trouvions tout ce qu’il nous faut au Cap Vert donc nous faisons des courses pour 1 mois et demi… pour quatre… ça fait 3 caddies bien remplis! Le magasin se trouve à 25 minutes de marche du port, alors comment porter jusqu’au bateau 100 litres d’eau, 30 litres de vin, 30 litres de jus de fruits, 25 litres de lait, plus plus plus… tout le reste? Impossible! Nous repartons les mains vides, ils nous livreront tout le lendemain…Merci!

Tout au long de la journée Rémi me tient au courant des étapes de son voyage, il doit prendre 2 ferrys, un bus, etc… Le soir je m’impatiente, Rémi n’arrive toujours pas, et lorsque je vois arriver un gros ferry, j’accours, je me précipite dans la salle d’attente … ce n’est pas le bon! Zut! je demande à quelqu’un du port s’il sait à quelle heure arrivera le ferry en provenance de Las Palmas. Il sort son téléphone, ouvre une application,… et là, sur son petit écran, une carte, et un petit bateau qui bouge.  « Il est là, il arrive dans 15 minutes. »

Dans quel monde vivons-nous?

Nous sommes hyper-connectés … Alors bien sûr je suis heureux d’utiliser internet pour vous faire partager mon voyage (je pourrai aussi vous envoyer des lettres, je vais y réfléchir…) mais je suis très heureux au milieu de l’océan avec pour seul interlocuteur le chant de l’eau sur la carène du bateau et les murmures du vent dans ma nuque… (parfois il crie un peu, mais bon, c’est lui qui me fait avancer alors j’accepte humblement ses sautes d’humeur). Il faut se protéger de tous ces écrans qui envahissent nos vies et nous éloignent chaque jour un peu plus du présent alors qu’ils sont censés nous connecter avec le monde… alors après la lecture de se message, puisque je suis responsable de ces 10 minutes que vous avez passé devant votre ordinateur, n’hésitez pas à l’éteindre et sortez marcher pieds nus dans l’herbe humide… pour vous connecter, à la nature cette fois… (et après racontez moi votre expérience, par pigeon voyageur du coup! =)

Bref, je n’ai pas le temps de finir ma diatribe sur les méfaits de la technologie car le bateau de Rémi arrive! Je le cherche sur le pont, mais il fait nuit, toutes les ombres de ressemblent. Soudain j’entends quelqu’un crier « PrimoooOOOO », aucun doute, c’est lui. Nous ne sommes pas cousins pourtant (traduction du mot espagnol « primo ») mais lors d’un voyage en pirogue en Amazonie nous avons assisté à une scène que je n’oublierai jamais. Nous voulions rejoindre une communauté isolée (Sarayaku, leur combat contre les pétroliers est détaillé sut internet, encore lui!) avec le moins de pétrole possible (on nous avait donné le choix entre le bateau à moteur et le petit avion, et nous avions opté pour nous débrouiller autrement!) Pour cela nous avons utilisé des transports en commun jusqu’au bout de la route, et lorsqu’il n’y avait plus que le fleuve devant nous, nous avons fait du bateau stop! En fin de journée, une famille nous a fait monter à bord de leur pirogue (sans moteur, évidement) et nous voilà partis pour l’aventure. La nuit commençait à tomber, la foret s’éveillait lentement et se peuplait de sons multicolores. La femme, derrière nous, distribuait dans un tout petit gobelet en plastique (personne n’est épargné !) de l’alcool de canne à sucre (très fort). Cela donnait du courage aux deux hommes situés aux deux extrémités de l’embarcation qui usaient d’un long roseau pour nous faire avancer en le plantant dans le sol et en poussant fortement dessus ensuite. Au lieu de refaire passer le verre vide depuis l’avant du bateau, il le déposait sur l’eau et le verre voguait librement sur l’eau. Puisque nous avancions il finissait toujours dans la main de la femme juste derrière moi. Je raconte toujours ce moment du voyage car j’avais perçu une telle douceur, une telle harmonie avec les éléments. Le long du fleuve il y avait des maisons un peu en hauteur, et puisque tout le monde se connaît, les personnes de notre pirogue voulaient les appeler pour discuter 2 minutes. Pour cela ils criaient « PrimoooOOOO », et cela résonnait dans toute la forêt. Ils n’étaient pas cousins, ni même de la même famille, mais c’était ainsi qu’il s’appelaient, par amitié sûrement, peut être aussi parce que c’est facile de crier ce mot assez fort et de le faire porter loin. Depuis ce jour là, Rémi et moi nous appelons « primo » mutuellement et lorsque le moment est trop bon, trop fort, trop intense, à fond dans une descente à vélo ou tout simplement lorsque nous sentons profondément heureux, alors on crie « PrimoooOOOO », à tour de rôle et de plus en plus fort. Si vous voulez je peux aussi vous faire le récit de ce voyage qui fut plein de rebondissements … Nous avons mis une semaine pour arriver dans cette communauté! (envoyez moi un mail, je ferai une liste)
Tout cela pour vous dire que j’ai répondu à son appel depuis le ferry avec force, et sans avoir peur du ridicule car j’étais pas mal entouré ! Il descend, court vers moi, on se serre dans les bras et Bim Bam Boum… la bouteille de vin qu’il avait apportée explose par terre! Les retrouvailles étaient trop fortes!

Je présente Rémi à mes deux acolytes, le courant passe tout de suite, une nouvelle aventure commence.

Jeudi 6 Novembre

Le matin nous allons au marché pour faire le plein de légumes et de fruits savoureux. L’après midi les courses arrivent, il faut tout ranger, en étant méthodiques. Et puis en fin de journée nous quittons les Canaries, je n’ai malheureusement pas eu le temps de découvrir d’autres îles, plus sauvages… mais je ne fais pas tout ce que je veux, ce n’est pas mon bateau…

Vendredi, Samedi, Dimanche, Lundi, Mardi, Mercredi 7-12 Novembre

Le vent nous a poussé avec force durant toute la traversée, la houle était forte, le bateau inconfortable. Jean-Louis et Rémi ont été malades, et moi un peu barbouillé… Mes coéquipiers feuillettent le guide du Cap Vert, pas moi, je veux le découvrir de mes propres yeux, me faire surprendre, ne rien attendre. Un soir où Rémi dormait sur ma couchette, j’avais posé mon duvet sur la sienne pendant que je faisais mon quart. J’ai écouté le Stabat Matter de Vivaldi sur le pont, tout allais bien, et lorsque je me suis levé pour réveiller Jean-Louis une grosse vague a déferlé sur le bateau, j’étais trempé, et de l’eau était rentrée à l’intérieur, mouillant mon duvet… aïe aïe aïe, restons calme, c’est un peu normal de se faire mouiller de temps en temps, on est entouré par tellement d’eau!

Le pilote automatique marche bien, c’est un plaisir de prendre son quart, de s’allonger sur le pont, de regarder la lune, les étoiles et de s’endormir paisiblement… par tranche de quart d’heure car il faut quand même surveiller l’horizon, au cas où nous verrions un bateau, mais c’est très calme, nous sommes seuls pendant plusieurs jours de suite.

Un soir, alors que je dormais j’entends du bruit sur le pont, Éric a un problème avec le pilote qui ne marche plus… je me lève, il me dit « ne t’inquiète pas » sur un ton qui dévoile son inquiétude. La sienne. Moi je ne suis pas inquiet, c’est Jean-Louis et moi qui l’avons réparé et je sais qu’il y a un mauvais contact à un endroit. En 10 secondes je refais marcher le pilote, il ne me dit même pas merci, il y a des tensions entre nous depuis quelques jours. Il voudrait que je m’occupe de tous les repas et de la vaisselle, sous prétexte que je suis le plus jeune, qu’il s’occupe déjà de la navigation. Ce n’est pas juste, ce n’est franchement pas dur de faire la navigation, bref nous avons plusieurs accrochages, je ne me laisse pas faire, et je déteste qu’on me donne des ordres. Et puis sur le bateau il ne participe à aucune réparation, il se laisse vivre, je trouve cela injuste. Il est même question de ne pas continuer ensemble après le Cap-Vert. Pour l’instant ça tient, nous avons eu une grande discussion, il faut que nous fassions des efforts tous les deux.

Je propose d’écouter un peu de musique, Cesaria Evora nous donne un avant goût de Cap-Vert, quel plaisir! La veille de notre arrivée je leur fait écouté la musique de Stromae dédiée à Cesaria, Rémi danse sur le pont, bonne ambiance, mais de courte durée, Jean-Louis n’est pas trop musique…

Un matin une surprise nous attend sur le pont, 5 poissons volants… le repas de midi est assuré! Ces petits poissons, cela fait quelques jours que nous les observions, ils volent au dessus de l’eau par bancs entiers et restent ainsi dans l’air quelques secondes. Leur vol est irrégulier, ils vont là où vent veut bien les mener.

Nous sommes arrivés sur l’île de Sal mercredi matin. C’est un vrai désert, pas un arbre en vue. Nous mouillons dans une bais abritée. A terre c’est un autre monde, les gens vivent dans la rue, ils sont souriants, avenants, sympathiques, et je suis si heureux de pouvoir parler avec eux dans leur langue, le portugais. Je manque de mots pour décrire le plaisir que j’ai d’être ici. Nous allons à la police pour nous déclarer, ensuite il faut aller à l’aéroport pour faire tamponner nos passeport. Nous empruntons des taxis collectifs, ça change tellement de choses. Et là, surprise, la police ne peut pas s’occuper de nous car il y a trop d’avions, et leurs passagers sont prioritaires, encore une raison de se révolter! Il nous faudrait attendre 4h pour espérer recevoir le précieux tampon. Tant pis, nous attendrons le lendemain. Le soir nous allons manger dans un petit restaurant tenu par 3 jeunes français qui viennent de démarrer leur affaire. Ils ont choisi la douceur de vivre à la Cap Verdienne alors qu’ils voyageaient en voilier. L’ambiance est géniale, c’est le seul lieu qui vit le soir dans la petite bourgade de Palmeira. Un mec joue de la guitare tout en improvisant des paroles, en portugais bien sur. J’en capte une infime partie… Mais tout le monde participe, le sourire aux lèvres. Ensuite on fait quelques parties de billard, je retrouve mes sensations, pendant mes études à Paris j’ en ai fait tous les jours pendant 3 ans! A sal il n’y a pas d’eau, ils désalinisent l’eau de mer avec du pétrole, quel tristesse. Je pense qu’il est parfois plus sage de ne pas vouloir s’installer dans des environnements si hostiles. Mais l’homme se croit tellement puissant… Je lis le journal local, ils parlent du manque de pluie, c’est une catastrophe pour eux. Le réchauffement climatique c’est maintenant!

Jeudi 13 Novembre

Le lendemain nous retournons à l’aéroport, le défilé des touristes est incessant, quel plaisir d’être venu en voilier… je savoure chaque instant auprès des cap-verdiens, je discute dès que c’est possible. L’après-midi nous allons mouiller un peu plus au sud. Une belle plage, je ramasse des bulots, un coucher de soleil. Je voudrai que le temps s’arrête.

Vendredi 14 Novembre

La nuit, nous partons vers 4h du matin, direction l’île de Boa Vista! Juste avant d’arriver nous péchons un thon de 5 kilos… miam! Nous y arrivons vers 10h, nous rejoignons le rivage avec un gros sac de linge sale sous le bras et un large sourire aux lèvres. A la terrasse d’un café où nous prenons une glace, un mec vient me serrer la main, il s’assoie, nous discutons. Je lui explique mon voyage, il me demande pourquoi je suis parti de France, je lui réponds simplement « en France, personne ne serai venu aussi naturellement que toi s’assoir à ma table pour discuter », il comprend mieux… Rémi et moi aimerions faire un tour à vélo de l’île, un italien veut nous en louer à 18 euros la journée, nous le remercions. Notre idée serait de trouver un vélo que quelqu’un n’utilise plus parce qu’il est un peu abîmé, le réparer (j’ai tous mes outils), et partir avec. Un malien adorable essaie de nous dénicher ça , il a peut être trouvé, nous reviendrons demain. Le contact avec les gens est fluide, simple et tellement naturel, je suis aux anges.

Samedi 15 Novembre

Pas de vélos chez le Malien! Mais François, le français  qui tient la guest house un peu plus loin en aura peut être… Bonne pioche ! Nous viendrons les chercher cet après midi. Il faut qu’on aille chercher le linge. Rémi remarque qu’il manque son pantalon rouge… heureusement qu’il l’a remarqué  car c’est tout le linge de couleur rouge qu’elle avait oublié de nous rendre… Après un petit repas au bateau de carpaccio de thon au citron, et de steak de thon (on reprend nos habitudes!) nous filons récupérer nos vélos! Quel bonheur de pédaler, 1 mois sans faire de vélo, ça ne m’était pas arrivé depuis 6 ans peut être, je suis euphorique. Nous rejoignons une plage magnifique, avec de majestueuses dunes de sable fin, nous dévallons sur leurs flancs en criant « PrimoooOOO » ! Et puis nous nous jetons à l’eau, dans le plus simple appareil. Il faut dire qu’avec les énormes vagues que nous essayons de dépasser nous aurions sûrement perdu nos maillots… de petits oiseaux courent sur le sable à la recherche de petites bêtes, le soleil se couche et enflamme le ciel, les nuages et nos coeurs admiratifs. Nous rentrons à Sal Rey à toute allure, de nuit, que c’est bon de pédaler. Les voitures sont respectueuses, elles s’écartent bien mais n’éteignent pas trop leurs plein phare… Nous mangeons à terre, dans un restaurant sans touristes, c’était ma condition. Evidemment, dès que j’ai un moment j’écris le mail que vous lisez, cela me prend plusieurs heures à chaque fois mais cela me fait plaisir =)

Dimanche 16 Novembre
 
Nous nous levons à 7h, Jean-Louis nous amène à terre, aujourd’hui nous voulons faire du vélo, découvrir l’est de l’île. J’ai hâte. Ce soir nous appareillons, destination l’île de Sao Nicolau pour de nouvelles aventures. Rémi veut aller sur la petite île de Mayo, il reste ici ce soir, et prendra sûrement un avion demain. Il nous rejoindra ensuite, à Mindelo, sur la dernière île de notre séjour au Cap-Vert, Sao Vicente. Qu’il fait bon vivre sous ce soleil Cap-Verdien, je vous en envoie autant que je peux.
 
Je vous laisse, mon vélo m’appelle, j’espère que tout va bien pour vous.
A bientôt pour de nouvelles histoires,
Um abrazo, até logo,
 
Jonathan

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